Mandelieu – Session de rattrapage

Un triathlon en cette période trouble d’attaques perfides de COVID? Vous n’y pensez plus !!

Et bien si on y pense !! Et on y pense avec tant de passion que cette épreuve va avoir lieu !!

Les organisateurs du TriGames de Mandelieu-la-Napoule ont réussi le coup de maître d’esquiver les multiples couperets administratifs de dernière minute et je retire mon dossard le samedi soir en étant enfin confiant :  mon premier L de l’année.
Objectif = moins de 5H30’ et si possible plutôt vers 5H15’/20’ pour une belle performance et pourquoi pas un podium chez les vieux #2.
Marie-Maud est aussi de la partie et va tenter une perf’ sur le format M (dans la catégorie minime #1☺). Son départ est 1H30 après celui du L.

Drrring, la Garmin sonne et tressaute sur la table de chevet mais je suis déjà réveillé. Un peu trop d’excitation pour sombrer dans un sommeil profond, c’est certain.

L’hôtel est proche du parc à vélos et en un instant je me retrouve devant mon emplacement à répartir mes petites affaires, éclairé par le faisceau de la frontale. Le ciel est dégagé, les étoiles scintillent nous prévoyant du beau temps pour cette matinée sportive, ça changera de Paladru. Par contre, le froid pique le bout du nez et promet un vélo bien vivifiant dans l’arrière-pays grassois.

Tout est prêt, je me réfugie au chaud dans le néoprène, direction la plage de sable fin, à presque 800m du parc à vélos…la transition T1 s’annonce interminable.

Pas d’échauffement, le COVID frappant, comme chacun sait, pendant cette phase-là.

Les athlètes vont donc s’entasser directement dans 10 corridors de départ distants de 1,5m chacun (les corridors, pas les athlètes les uns contre les autres). Ne cherchons pas à comprendre : le plaisir de la compétition ne sera pas perturbé par ces petites incohérences !

Bas les masques (coincés entre les lunettes et le bonnet), le TOP est donné et c’est le sprint vers une mer calme pour deux boucles de 1000m ponctuées d’une sortie à l’australienne. Le soleil se lève sur l’horizon avec les îles de Lérin en face de nous, on en a plein les yeux au moment de piquer une tête.

Adepte émérite du Diesel, il me faut 15 bonnes minutes pour activer le système cardiovasculaire et malgré de nombreux moulinets de bras sur la plage, je ne déroge pas à la règle du préchauffage.
Du coup, je me traîne lamentablement en profitant des jolis fonds sous-marins dans cette eau claire (et relativement chaude, 18°C). Progressivement j’accélère en remontant le banc de poissons pour stabiliser une bonne allure de croisière en fin de premier tour. Le moral est bon, je rattraperai tout ça au deuxième tour…
La sortie à l’australienne coupe brutalement le rythme, le cœur n’aimant pas trop le passage de l’horizontale à la verticale, position vite retrouvée après les cent mètres à courir dans le sable.
Deuxième tour sur un vrai bon rythme de course cette fois, c’est rassurant.

Fin de la partie natation.

Go pour T1 en footing allure SVpépère en foulant le tapis de 800m déroulé par les organisateurs.
J’arrache le haut de la combinaison et l’avant-bras gauche reste stoïquement en place contrairement au reste du néoprène. J’ai l’air malin à courir avec mon avant-bras équipé d’une manchette.

T1 toujours…coup d’œil au chrono…catastrophique…jamais nagé aussi lentement, même pendant les éducatifs du vendredi matin. Pas grave, je rattraperais tout ça sur le vélo.

T1 encore, voilà l’emplacement.

Décision prise de partir pieds nus dans les chaussures malgré la température mais je passe quand même un coupe-vent épais avec le col qui remonte.

En avant pour 92km/1900D+, un parcours « cabossé » qui ne fait que monter/descendre. J’ai été présomptueux en prenant le vélo de chrono…à vouloir jouer au pro, il faut assumer dorénavant…
Tout en enfourchant la machine de course, je perçois la remarque du speaker qui s’émerveille sur les couleurs de ma trifonction☺.

Deux/trois km en ville pour aborder la première grosse ascension vers Tanneron.
A bloc, affichage au-dessus de 300W (bon y’a un peu de surpoids à balader quand même) et je rattrape du monde, même un gars en relais. Le moral est lui aussi à bloc.

Je déchante derechef à la descente suivante où la route est bien humide et les courbes serrées traitres. Crispé sur les freins, de nombreux concurrents me doublent en prenant des risques incroyables, coupant les virages sans visibilité, se jouant des lois élémentaires de l’adhérence.
Bon, pas grave, je rattraperai tout ça à la prochaine montée.

Montée enchaînée sans transition…puis on replonge sur une route plus large…et on remonte…cette fois avec un raidillon de 1,5km à xx% (avec xx>10 tout le temps).
Les cuisses saturées de lactate brûlent et les 300W s’affaissent vers 250…le petit groupe dans lequel j’étais (respectant scrupuleusement la distanciation sociale) prend le large, comme mon moral.

Pause goûter en augmentant la cadence de pédalage pour détendre les jambes dans le long faux-plat descendant vers Grasse. Il faut se frayer un chemin au milieu du trafic routier et des terre-pleins centraux, je m’énerve un peu, même si c’est inutile, quand il faut patienter à un rond-point☹.

On arrive à la jonction où le M continue tout droit et le L repart pour la même boucle vers Tanneron. Plus serein, je gère mieux l’effort qu’au premier tour et conserve un bon rythme, surement un peu faible pour ce type de distance, mais je me rattraperai en course à pied…

Le deuxième passage vers Grasse est compliqué, il est plus tard dans la matinée et le parc automobile des Alpes-Maritimes est de sortie. Les conducteurs sont exaspérés par ces hurluberlus à vélo qui diminuent leur moyenne, certains ne laissent pas passer malgré les injonctions des bénévoles impuissants qui agitent leurs panneaux en guise de bouclier.

Pas de troisième boucle, ouf, je n’en redemande pas. Cap sur le littoral bien couché sur le prolongateur. Médiocre ma performance vélo mais je compte encore sur la CaP pour me rattraper !

100 derniers mètres à pédaler pieds nus sur les chaussures et voilà T2.

Et là…gros coup au moral…il y a un paquet de vélos alignés sagement dans le parc, les propriétaires desdites machines en train d’en découdre sur le parcours Cap, sans moi, bouuuuh !!
La motivation dégringole au niveau du bitume comme un jour de réception de feuille d’impôts. Je m’assois un instant pour chausser les runnings et puiser un peu d’énergie mentale en vue d’enchaîner sur le semi-marathon. J’ai vraiment été nul en vélo aujourd’hui.

Bon, T2 est derrière, c’est ainsi, il faut se concentrer sur les 4 tours de CaP.

Les deux premiers km se font en footing rapide, en ruminant et en cherchant des excuses extérieures fallacieuses. Je n’ai pas été bon, il faut l’admettre. Mais on ne lâche rien, c’est tout !

Heureusement les endorphines de la CaP se distillent dans le corps et la foulée se fait plus légère et surtout plus motivée.
Je commence à engranger les dépassements même dans les difficiles relances de la marina (30m de ligne droite, virage à angle droit, 30m de ligne droite, virage et ainsi de suite sur 1,5km x 4).

Premier chouchou

Le deuxième arrive encore plus vite autour du poignet, même pas vu passer la boucle !

J’enchaîne encore plus vite avec le troisième.

Dernière boucle puis je pourrai prendre « à gauche » vers la finish line.

Un immense « coup de moins bien » s’abat sur ma tête seulement 2km avant l’arrivée, je passe de 4’15/km à plus de 5’/km, les jambes coupées brusquement, des nausées et une hyper-ventilation quasi incontrôlée. Le COVID a dû frapper, embusqué derrière un virage. Chaque foulée est un calvaire mais je refuse de marcher, « battery low, battery low »,…les voyants sont au rouge (écarlate) avec une soudaineté déconcertante et je m’interroge même sur mes capacités à tenir cette dernière longueur.
Finalement je franchis la ligne au mental sans aucune force pour lever les bras devant le photographe (je n’achèterai pas la photo du coup)…quel changement en l’espace de moins de 10 mètres !

La montre est factuelle, il faut constater l’étendue des dégâts…5H36’…bien loin des espérances de la veille…très grosse déception. Il faudra laisser passer un peu de temps avant d’en tirer les leçons (et revenir plus fort !!).

Ça commence à aller mieux après quelques minutes de repos, le cardio qui s’était un peu emballé regagne la zone de confort…et moi je regagne la zone de ravitaillement, masque tout neuf sur la bouche.

Je croise Marie-Maud toute souriante, changée/douchée, ravitaillée. Elle espère un podium dans la catégorie « très très jeune » et est bien contente de ce format M. Finalement elle sera 4ième des juniors, mais je vous assure que vu le niveau des participant(e)s, c’est un bel exploit sportif. Ça me fait vraiment plaisir de la voir si souriante et atténue ma frustration personnelle.

Je commence à mastiquer mon assiette minceur (30g de pâtes au gruyère et une banane, l’organisation est un peu chiche après un half sur ce coup) et reviens progressivement à des pensées plus positives : une très belle épreuve, organisée parfaitement (sauf pour le repas, je n’insiste plus) et qui s’est déjouée de toute décision d’annulation unilatérale. Une météo idéale, des bénévoles sympathiques, de jolis goodies en cadeaux. Alors soyons heureux !

Nous (Marie-Maud et moi) avons donc de la chance d’être là, la saison n’est pas blanche et même si mon résultat sportif n’est pas à la hauteur des attentes, c’est tout simplement une joie de retrouver cette ambiance de fin de course: les affaires éparpillées autour du vélo qui ne rentrent plus dans un sac devenu bizarrement trop petit, le vélo recouvert de traces de liquide énergétique sucré sur le cadre et de morceaux de bananes incrustés dans le cintre, les chaussures fermement coincées sur les pédales qui refusent de se déclipser, les restes d’emballages de gels fusionnés à la trifonction, les lunettes de natation qui font un nœud et trois boucles incompréhensibles autour du bonnet, lui-même collé dans la serviette en boule toute mouillée,…, le bonheur quoi !!

Clap de fin sur 2020, promis, juré, je me rattraperai en 2021!!

Stéphane
A bloc pour 2021