Alpsman, la reco vélo

8H15 ce vendredi d’octobre, il fait encore bien sombre quand nous sortons nos vélos de l’auberge du Semnoz située à Saint Jorioz, en bordure du lac d’Annecy.


Olivier et moi sommes partis pour la « reco vélo Alpsman » un peu à l’improviste: “tu as vu la météo parfaite après-demain? Tu peux te libérer vendredi? Oui? C’est LE bon créneau avant l’hiver, go!“. Ce parcours s’annonce comme un beau défi de fin de saison avec 180km et 4500m de dénivelé. Plus fun que prendre l’apéritif devant le sport à la télé, non?

Le mercure affiche à peine 3°C quand nous enfourchons nos machines carbonées. Dès les premiers tours de roues, les jambes subissent la morsure du froid, chaque expiration est matérialisée par un long panache de vapeur, le pédalage se fait en silence…ça pique un peu les quadriceps, ça brûle un peu les bronches et ça fait couler (un peu) le nez, mais ça fait du bien d’être en plein air!

28km de montée “sèche” vers le haut du Semnoz, autant annoncer la couleur dès le début ont dû penser les organisateurs.Pour occulter la vitesse comateuse et démoralisante affichée sur mon GPS, je m’imprègne du paysage environnant cette belle route: les rayons du soleil commencent à illuminer les sommets des montagnes noires se découpant sur un ciel polaire d’un bleu limpide. 

On traverse un village où les écoliers attendent pour rentrer en classe (ils bossent eux!) “oh, maman des vélos…“. Je me dis qu’on a de la chance d’être là.

14 km plus loin, voici l’étape intermédiaire du col de Leschaux non sans avoir bataillé face à un troupeau de vaches intransigeantes en sens opposé: d’ailleurs on s’est poussé…

Courte descente pour souffler un peu et ce sont déjà les lacets du Semnoz. En fait de lacets, ce sont plutôt d’interminables lignes droites mettant le moral à rude épreuve: rester tête basse dans cette portion! Les rares épingles permettent de relever les fesses et la tête mais il faut reconnaître que la pente n’est pas trop raide. Il est même envisageable de passer temporairement la plaque, c’est pour dire!

A 4km du sommet, le maniaque de l’Altriman (voir épisodes précédents) a déversé des tonnes de gravillons sur la route. Plus question de décoller de la selle sous peine de dérapage traître de roue arrière, il faut prendre son mal en patience et pédaler souplement. Nous regagnons enfin une portion de route propre, large et de bonne qualité pour le dernier km où il est facile d’envoyer des watts pour aller cocher les points du maillot à pois.

Photo souvenir dans le vent frais et c’est la bascule officielle sur le versant opposé: 2.5°C dit le GPS. Tout à l’ombre dit le parcours. Bien humide dit la route. A bloc dit Olivier…Glups me dis-je

Même si je suis mort de trouille, force est de constater que ça descend plutôt bien sur un macadam en parfait état. Nous avalons les kilomètres mais sommes transis de froid, heureusement qu’Olivier a suggéré ce matin de prendre les gants d’hiver. Au moins les mains sont au chaud à défaut du reste du corps.

S’ensuit une longue partie plate/vallonée où le triathlète pourra faire chauffer les cuissots, tête dans le prolongateur, sourire béas devant les kilomètres de bitume qui défilent jusqu’au village de Lescheraines, au pied du col de Plainpalais.

C’est d’ailleurs ce village de Lescheraines que les organisateurs ont sélectionné pour une deuxième partie de plaisir reprenant, lors d’une seconde boucle, les cols de Plainpalais et des Près. Mais on en parlera plus tard.

Olivier attaque fort l’amorce du col alors que je cale, scotché loin derrière, tentant une pâle excuse de veste qui ne veut pas s’ouvrir.
12km à gravir, en pleine nature avec le soleil qui sèche la route, réchauffe enfin l’ambiance et mes vieux os. Le moral passe illico sur la case « je m’éclate », du coup je grignote méthodiquement mon retard sur Olivier.

Au bilan, ce col n’est pas difficile et on atteint le haut pour la pause photo traditionnelle suivie du ravitaillement et d’une bonne recharge d’énergie pour Olivier qui s’appuie nonchalamment sur la clôture électrique.


Enchaînement avec une descente ultra-rapide quasiment sans virages et la vitesse augmente, augmente, augmente. Je n’ose pas regarder l’écran devant moi et maintiens la trajectoire la plus tendue possible.Enfin une épingle qui me permet de jeter un coup d’oeil derrière. Olivier a suivi. On relance en tombant les pignons, les mélèzes fusent sur les côtés à toute allure.

Réduction de vitesse à l’entrée du village de Saint Jean d’Arvey (-3 points annonce le radar…) et retour sur une partie plutôt plate où nous en prenons littéralement plein les yeux: le vert dense des prairies tranche avec le noir des roches qui se dressent autour de nous…un sentiment intense et égoïste d’avoir cette nature préservée pour notre seul bonheur.

Deux ou trois lacets en descente, le passage sur un joli petit pont et, brutalement c’est l’amorce du col des Près.Là, ça grimpe sèchement, les deux/trois premiers kilomètres (total de 9km à partir du pont) affichent des pourcentages à deux chiffres jusqu’au village de Thoiry où une pause technique intermédiaire est unanimement décrétée afin de gagner un peu de masse.

Les deux kilomètres à la sortie du village sont assez faciles puis la chaîne remonte instinctivement sur les grands pignons. D’ailleurs j’appuie frénétiquement sur le bouton sans résultat avant de me rendre compte que je suis, déjà, tout à gauche. N’hésitez pas à avoir des braquets souples en juin prochain!

Olivier a un coup de moins bien et, progressivement, je le perds de vue en restant sur mon rythme dans les virages qui s’enchaînent. Le dernier kilomètre est presque plat et permet de passer sur le grand plateau. On refait la jonction en haut.


Un col de plus, jamais d’altitude importante mais la répétition commence à se faire sentir.

Cette fois-ci la descente est plus difficile, la route est dans un état moyen et je reste vigilant sans chercher l’excès de vitesse.

Au lieu-dit Alliot-le-Jeune, bifurcation à gauche pour environ 10km de portion vallonée jusqu’à la jonction avec la première boucle.

Encore une fois, dans la plus pure tradition du triathlète, je mets les watts et « envoie du lourd » sans trop me soucier de la suite. Olivier reste plus économe et se blottit dans ma roue en flagrant délit de drafting.

Première boucle: check!!!

Bis repetita pour les 12km du col de Plainpalais et comme au passage initial Olivier s’échappe alors que je constate avec amertume que mes cuissots sont…comment dire…cramés.

Pas de panique, je m’empiffre avec ce que j’ai de plus sucré dans mes poches pendant que le Look et son chauffeur s’éloignent inexorablement. Ça va revenir, il faut juste être patient.Effectivement, je refais mon retard dans les derniers lacets de Plainpalais avant d’entamer la trèèèèès longue ligne droite qui mène au sommet.

Une pause, une banane en évitant soigneusement de poser le postérieur sur la clôture électrique et, pouf, nous revoilà dans la descente de folie. Cette fois, je reste en suiveur en me calant sur la trajectoire d’Olivier (heureusement bonne), les yeux rivés sur le feux rouge sous sa selle.

La suite vous la connaissez, Saint Jean d’Arvey, petite zone plate où on en (re)prend plein les mirettes, puis plongeon jusqu’au pont sympathique et son début d’ascension…qui fait mal.

Remplissage des bidons à Thoiry comme lors de la première boucle et nouvelle séance de “col des Près”, plus usante que quelques heures plus tôt. On dirait que la pente a été rehaussée par rapport à notre passage initial.

En haut du col, il reste 40km pour boucler ce parcours. Normalement le plus dur est derrière nous.Ben en fait, non…

Le retour demande une grande introspection personnelle. C’est looooooooong.Après Alliot-le-Jeune on bifurque cette fois-ci à droite et ça monte. Certes, pas très fort, sur la plaque même, mais pendant longtemps. Puis ça descend, mais pas pendant longtemps. Puis ça monte mais pendant longtemps. Puis…bref vous avez compris, c’est usant à tel point que les ultimes portions montantes se font sur le petit plateau!

Au loin on aperçoit le serpent de bitume du matin qui permettait de monter au Semnoz, mais cette diable de route semble ne jamais se rapprocher malgré les efforts.J’avoue que je commence à perdre un peu la notion du temps et pédale mécaniquement. Olivier a la pêche et mêne le train, je me contente de regarder sa roue arrière et de suivre en silence. 

Enfin une dernière grimpette pour revenir sur le col de Leschaux, passé 7 heures et demie plus tôt.
On repasse devant l’école: “oh maman, les vélos du matin, regarde” (si, si je vous assure).

Plein badin pour rejoindre le lac d’Annecy avec une petite erreur finale d’orientation pour retrouver  l’hôtel mais nous y voilà. Il ne fallait pas trop tarder, le soleil est déjà bas sur l’horizon et la température en chute libre: dès qu’on stoppe l’effort le froid se fait sentir. 

Total: 182km et 4400m de D+, 8H15 de sortie (pauses sandwichs/bidons/photos comprises).

Si on compte 1H15 de natation/T1 puis 2H30 pour T2/les 26km le long du lac, cela fait donc juste, juste pour “sonner la cloche” et décrocher le passeport vers le haut du Semnoz. Jouable mais sans trop de marge, il ne va pas falloir flâner le jour de la course en comptant les pâquerettes.

Le personnel accueillant de l’auberge nous a gardé une douche qui est la bienvenue. Les vélos sont rangés dans la voiture pour prendre le cap de la maison au plus vite. Le ravitaillement final (outre les petits gâteaux au chocolat planqués dans la voiture et exterminés en un instant) se fera…au Mac Do de Valence!

Conclusion

Un parcours sincèrement de toute beauté et des routes impeccables (à quelques gravillons près, mais le gars de l’Altriman devrait être interné sous peu…), seule la descente du col des Près est médiocre.

Globalement, la difficulté ne vient pas des pentes elles-mêmes dont les pourcentages restent abordables mais plutôt de la répétition des efforts qui usent implacablement les quadriceps. 

Il faut donc prévoir de gérer l’effort et ne pas s’enflammer sur la première boucle qui semble pourtant facile, d’avoir le braquet adapté pour rester souple en première partie sans trop travailler en force (sinon c’est la certitude de rester collé dans la deuxième boucle). Et bien maintenir le moral pour le retour vers Saint Jorioz, ce n’est pas fini avant de revenir au col de Leschaux!

Prochaine reco avec les beaux jours…et avant le grand jour.
Enjoy!
Olivier et Stéphane

Prétendants Alpsman